Lacan-araña. heraldo de topología

Incorporel ⋀ topos de l’école


Texto:

En préparant ce rapport, j'ai rencontré une sorte de diffi culté. J'ai annoncé le sujet il y a longtemps, mais il m'a été incroyablement diffi cile de commencer à écrire le texte du rapport lui-même, j'ai ressenti quelque sorte d'inhibition — quand vous ne pouvez pas fonctionner physiquement. Cela m'a rappelé un événement important dans ma réalité psychique.

La nuit du 23 au 24 février de l'année dernière, le jour où la guerre entre la Russie et l'Ukraine a commencé, j'ai fait un rêve. Dans ce rêve Jean- Michel Vappereau vient en Russie (ce qu'il n'a en fait pas réussi à faire deux ans auparavant en raison de la quarantaine), et je dois parler au tableau, car je suis la seule qui connaît la bonne solution du problème posé. Mais je ne peux pas aller vers le tableau parce que je suis nu. Gêné, j'essaie d'atteindre une sorte de chiff on pour m'envelopper, mais je ne peux pas bouger… À ce moment-là, je me réveille après un appel de mon père de Kiev, il était environ 6 heures du matin. Il m'a dit que la ville était bombardée et que leur maison tremblait à cause des explosions. C'était absolument incroyable. À ce moment, alors que j'étais encore sous le pouvoir du sommeil, j'ai essayé de comprendre non seulement les événements de la réalité, mais aussi mon rêve. La réalité a acquis les qualités d'un rêve comme peu fi able et nécessitant un eff ort de lecture.

À ce jour, certains sont contraints de faire ces eff orts, comme s'il y avait le contenu latent derrière le contenu manifeste de la réalité insensée — bien qu'on puisse le prendre autrement, considérant la guerre, par exemple, comme l’effi cacité de Wirklichkeit, et pas la réalité psychique du Realität. Quoi qu'il en soit, dans mon cas, la nouvelle du début de la guerre est venue du vrai père en même temps que j'évoquais mon rêve d'un autre, en quelque sorte un père symbolique.

À ce jour, certains sont contraints de faire ces eff orts, comme s'il y avait le contenu latent derrière le contenu manifeste de la réalité insensée — bien qu'on puisse le prendre autrement, considérant la guerre, par exemple, comme l’effi cacité de Wirklichkeit, et pas la réalité psychique du Realität. Quoi qu'il en soit, dans mon cas, la nouvelle du début de la guerre est venue du vrai père en même temps que j'évoquais mon rêve d'un autre, en quelque sorte un père symbolique.

À ce jour, certains sont contraints de faire ces eff orts, comme s'il y avait le contenu latent derrière le contenu manifeste de la réalité insensée — bien qu'on puisse le prendre autrement, considérant la guerre, par exemple, comme l’effi cacité de Wirklichkeit, et pas la réalité psychique du Realität. Quoi qu'il en soit, dans mon cas, la nouvelle du début de la guerre est venue du vrai père en même temps que j'évoquais mon rêve d'un autre, en quelque sorte un père symbolique.

En même temps, le Nom du Père doit permettre de tenir quelque chose qui autrement risque de s'eff ondrer.

Quand j'ai proposé mon sujet pour le congrès, j'ai pensé que je voudrais parler de l'école, car pour moi c'est sans doute quelque chose qui aide à garder des liens qui s'eff i lochent. Je voulais aussi parler du corps et de l’incorporel. Grâce à mon inhibition et à le lien du rêve d'exhibitionnisme avec l'enfance — comme ce paradis où l'on pouvait se promener nu et ne pas en avoir honte — j'ai pu remarquer le pari que je fais dans le futur aussi bien que dans le passé. J'aimerais vraiment qu'il y ait un paradis quelque part. Si dans mon rêve c'était l'exhibitionnisme de l'enfance, alors dans la réalité ce désir s'est transformé en l'horizon utopique d'un paradis psychanalytique: si cela est impossible sur ce continent, maintenant aussi en raison de circonstances objectives, alors peut-être sur un autre? Avec la guerre, cette aspiration a acquis un nouveau motif. L'arrivée de Jean- Michel en Russie dans mon rêve est une sorte de présage du départ des psychanalystes russes vers l'Argentine dans la réalité, et on peut supposer qu'il s'est avéré être son double dual. Autrement dit, c'est le même événement, mais qui se déroule dans l'espace retourné. Je ne sais pas comment c’est chez vous, mais on dit cela de l'Argentine — paradis des psychanalystes: bien sûr, il ne faut pas s'en fl atter, et mon rêve l'enseigne. Néanmoins, nous nous sommes retrouvés dans l'enfer de la guerre, qui ne permet de retenir aucun Nom du Père, et cela ne semble pas dépendre beaucoup de la localisation de notre propre corps dans l'espace. Essayons cependant de relier ces mouvements des corps à la logique de l'inconscient.

La difficulté que j'ai eu en préparant mon rapport laisse entrevoir le lien que j'aimerais faire entre le corps et l'école. Ce lien ne se situe pas du côté du sens, où l'école a une structure formelle — les fondements de l’association, le congrès, etc. — comme si nous apportons nos corps pour témoigner notre participation dans la structure. Ce lien n'est pas non plus arrangée comme une classe, où les corps sont inclus dans l'ensemble “école” ou “association”, tombant sous un prédicat, ayant telle ou telle propriété. Ce lien est arrangé plutôt comme une erreur, comme un symptôme qui ne veut rien dire. Comme l'attitude que Olga a appelée dans son rapport “la nature conservatrice de la pulsion”. Le moment progressif de la parole, qui aurait dû renvoyer au nouveau, à plus de savoir, bute sur une barrière qui me tourne à 180 degrés, où quelque chose d'ancien, et même d'enfantin, se révèle.

Je pense que l'inhibition, qui peut être définie selon Freud comme une diminution de la fonction, est un bon point de départ pour parler de l’incorporel, qui peut apporter ici la logique nécessaire.

INCORPOREL

Que voulait dire Lacan lorsqu'il défi nissait le sujet comme un signifi ant représenté pour un autre signifi ant? Je proposerai deux versions de ça.

La première version est la version de la façon dont on critique le structuralisme aujourd'hui. Or dans un milieu intellectuel (philosophique, féministe et même psychanalytique) dire qu’on est structuraliste est presque le même que d'admettre qu’on est sexiste ou nationaliste. Les philosophes parlent de plus en plus de nouvelles ontologies, où les oiseaux et les pierres, ainsi que les êtres parlants et écrivants, ont le droit de voter. A la limite, toute structure est conçue de manière logocentrique et assimilée à la violence. Ainsi, la structure œdipienne devient un exemple d'un tel savoir introduit artifi ciellement et imposé par Freud. Ce savoir est habituellement attribué à l'autorité du locuteur — qu'il s'agisse de Freud ou de ceux qui s'y réfèrent. Il y a un grain de vérité dans cette critique, car beaucoup répètent certains dogmes, sans forcément faire le travail de les lire. Alors Céline, comme Elena nous l'a merveilleusement montré, admirait Freud, mais ne l'a pas lu.

L'erreur théorique d'une telle "critique" est liée, tout d'abord, à la confusion des registres de l'écriture et de la parole. C'est une confusion entre l'autorité du parlant et le lieu d'où quelque chose est dit. Avec l'idée des lieux, on passe déjà à l’écriture, où il ne s'agit pas que, en représentant le signif i ant, le sujet obéisse une fois pour toutes à un ordre établi, mais qu'il occupe une certaine place dans cet ordre.

L'idée de l’écriture permet d'exclure du débat sur le rôle du structuralisme l'arbitraire imaginaire du parlant au profit de la nécessaire structure symbolique. Ainsi, en parlant des Noms du Père, il sera possible de parler non pas des f i gures d'autorité qui ont proposé tel ou tel concept que nous utilisons pour nos constructions, mais de la structure elle-même — topologique ou logique, où le père devient plutôt un anneau qui compense un lapsus dans le nœud.

On peut également mentionner le problème de la formalisation. Dans le structuralisme classique, elle implique l'exclusion du sujet (ce qui est entendu dans sa définition même). Les psychanalystes veulent inscrire le sujet dans cette structure formelle. Comment estce possible? Est-il possible? La modification logique proposée par Vappereau nous donne une des réponses possibles.

Alors, en parlant de la lecture de la formule “le sujet est ce qui représente un signifi ant pour un autre signifi ant”, il ne faut pas passer à côté du sujet. Le structuralisme — dans sa version critique exprimée plus haut — prétend à la formalisation totale de tout. Mais essayons de ramener ici la logique du "pas-tout" à travers le concept de l’incorporel.

Ainsi, la deuxième version de la lecture de la formule de Lacan sur le signifi ant partira du point où le corps est inclus dans cette formule. L’incorporel est un concept commode pour une telle discours, puisqu'il implique non seulement le corps, mais aussi sa négation spécifi que, c'est-à-dire sa participation dans l'ordre symbolique. En français, cette négation ressemble à la négation de l'inconscient: in-corporel, in-conscient.

Dans un contexte philosophique, la présentation la plus complète et la plus systématique de ce concept nous est venue du néoplatonicien Sextus, qui a énuméré quatre types des incorporels — lecton, espace, temps et vide. Il serait plus correct de parler des incorporels au pluriel, mais concentrons-nous sur le lecton. Voici comment on peut expliquer sa fonction.

C'est un exemple bien connu d'un barbare et d'un grec qui se rencontrent et voient le même objet, par exemple le soleil et entendent le même mot “ήέλiος”. Leur expérience corporelle est la même — ils perçoivent le même soleil, ils entendent les mêmes phonèmes — tout cela est du domaine du corporel, mais seulement le grec comprend que ce mot correspond à l'objet perçu, pas le barbare. Ainsi, le lien entre le signifi ant et le signifi é ne se fait pas au niveau du corps, mais d'une autre manière. La capacité d'établir ce lien s'appelle le lecton.

L’incorporel est devenu pour les stoïciens non seulement la base de la raison de la parole, mais aussi plus largement — la base de la raison de la causalité.

Chez Aristote, lorsqu'un corps agit sur un autre, quelque chose de nouveau peut en résulter, quelque chose d'un nouveau concept. Ainsi le cordonnier travaille la peau pour fabriquer des chaussures. Il y avait le concept “le cuir”, il y avait le concept “les bottes”. Chez les stoïciens, tout est diff érent, car dans le processus d'action d'un corps sur un autre, ce n'est pas un nouveau concept ou un nouvel objet qui se produit, mais un nouvel attribut de cet objet. Ainsi en travaillant avec un scalpel sur la chair, on effectue l'action — couper — et ainsi la chair devient “coupée”. Le nouvel attribut sera associé au verbe en tant que participe.

Cette logique est plus proche de ce qui nous intéresse en matière de structure. Reprenant la formule de Lacan, on peut dire que le sujet remplit la fonction de la signifi cation, non pas pour produire un nouveau signif i ant, mais pour lui donner l'attribut du signifié.

En logique, on appellerait cela un passage au second ordre. Au lieu d'opérer avec des concepts, nous commençons à opérer avec des relations entre eux. Dans le langage de la philosophie nous dirions que nous passons ainsi du monde des choses au monde du devenir. Les stoïciens tentent de saisir la mesure des changements dans les choses, c'est-à-dire par chacun d'eux tous les états passés et futurs possibles de celles-ci, ils passent donc du substantif au verbe. C'est ainsi que raisonnent les stoïciens, dont la logique s'est enfoncée dans l'histoire, bien qu'elle puisse devenir une alternative au système aristotélicien- platonicien, passant au système cartésien, dans lequel nous vivons jusqu'à ce jour.

Pour Lacan, la notion incorporel est devenue le pivot du raisonnement sur la structure, quand il est interrogé à ce sujet par un journaliste belge en 1970 à la radio. Il en dit notamment ceci:

Incorporelle est la fonction, qui fait réalité de la mathématique, l'application de même eff et pour la topologie, ou l'analyse en un sens large pour la logique.

Lacan dit que le corps et le signif i ant sont reliés par une structure qui, à la limite, est une fonction mathématique. En général, parlant de structure, il s'occupe précisément de la question du corps auquel cette structure s'applique. Incorporel réalise justement ce lien — du corps avec le symbolique.

Dans la même interview Lacan propose de distinguer deux corps — le corps symbolique et le corps au sens naïf. La structure d'effet après-coup est impliquée dans leur lien. Le corps symbolique ne s'incorpore au corps au sens naïf que rétroactivement — à l'aide de l'incorporel. Si l'on comprend cette dualisme des corps dans le temps comme le clivage même du sujet, alors on peut ainsi expliquer la difficulté du sadique qui cherche le sujet du plaisir:

… le sujet dont il se voit que sa division n ’exige pas d ’être réunie dans un seul corps.

Ainsi, le fantasme sadien, esquissé par Lacan sous forme de graphe dans le texte correspondant, devient plus clair. Le sadique, comme l'analyste, est précisément sensible à cette distinction — le corps du symbolique et le corps au sens naïf. Il s'intéresse à découvrir cette division, représentée sur le graphe du fantasme sadien comme la différence entre le $ barré, qui entre dans le fantasme, et le S du sujet pathologique pas barré, le sujet brut du plaisir. Cependant, l'analyste et le sadique abordent cette rupture sous des angles différents: l'analyste du côté du sujet, et le sadique du côté de l'objet (comme on peut le voir à l'étage inférieur du schéma, où la formule du fantasme est écrit — dans le cas d'un sadique, inversé).

Donc, nous avons présenté l'endroit comme un lecton. Cependant, cela ne suffi t pas si nous parlons d'éthique.

TOPOS DE LÉCOLE

Parlant de la philosophie au boudoir, Lacan remarque que le boudoir apparaît dans ce contexte non par hasard, mais comme lieu de l'éthique. Le boudoir est aussi un lieu, comme le jardin appelé l'Académie chez Platon, ou comme le portique appelé Stoya chez Zénon. Le sadique n'off re rien de plus qu'une place. C'est ce que l'on voit dans le deuxième schéma inversé du fantasme du sadique, qui se termine par le sujet brut du plaisir, attribué désormais à tous les habitants de la nouvelle république.

L'horizon utopique de la république de Sade, où les citoyens sont obligés de jouir, appelle un lieu où la loi fonctionnera de manière universelle pour tous. Cette logique de l’universelle qui…

ne vaille en aucun cas, si elle ne vaut pas en tout cas

… permet à Lacan de comparer cette république du libertinage à l'impératif catégorique de Kant.

En se trouvant aujourd'hui dans des circonstances, en quelque sens, similaires, il serait possible, comme dans mon rêve, d'aller dans l'une des deux directions — vers le libertinage de l'enfance (intégré dans la régression du rêve lui-même), où il n'y a pas de lois interdisant le défi lé nu, ce serait la république de Sade, ou trouver un moyen de passer conventionnellement au tableau noir pour y écrire la décision — pas nécessairement la seule correcte, selon l'impératif catégorique, mais plus ou moins élégant. Nous devons trouver un moyen de positionner notre propre corps dans ces nouvelles circonstances.

Pour rendre cela possible, nous avons besoin d'un lien social qui, sans être un trou-peau, deviendra borroméen, je suis d'accord avec Paula. Un tel lien social doit correspondre à la structure du signifiant qui nous intéresse. Et dans cette structure, il est impossible de se passer du corps. Comme Qu'on dise qui reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s'entendsemblable à l'impératif — Parlez!, rappelle la présence de ce corps dans chaque énoncé.

M.E.

18.02.2023 Moscou